« L’alternance est une expérience de formation et de vie à haute perspective » - partie 2

Trop souvent, les jeunes se tournent vers l’alternance quand ils ne trouvent plus leur place ou de sens dans l’école traditionnelle. Encore méconnu et sous-utilisé, ce système alliant la formation en centre et l’apprentissage en entreprise gagnerait pourtant à être vu en « choix positif », comme l’a montré le tour de table récemment organisé par Références. Il n’existe en effet pas de voie plus royale conduisant à un emploi bien rémunéré dans des métiers en forte demande. Autant s’en emparer ! (Suite)

Sensibiliser tôt

Bien souvent, on oppose les deux systèmes : l'enseignement de plein exercice d'un côté, puis l’alternance de l’autre, poursuit Alain Goreux. « Mais il conviendrait de travailler l’un et l’autre. Pourquoi ne pas intégrer lalternance dans la construction des filières métiers lorsqu’on se rend compte qu’à un moment du parcours, l’expérience quon acquiert dans une entreprise est importante pour former un profil disposant des qualifications requises ? En Allemagne ou en Suisse, si vous arrivez chez un employeur avec un CV montrant que vous n'avez que l'enseignement de plein exercice en secondaireil va vous demander pourquoi vous n'avez pas fait d'alternance. Elle est vue comme une réelle valeur ajoutée, voire comme un incontournable. Beaucoup d’entreprises en Belgique seraient prêtes aujourd’hui pour l’alternance, d’autant qu’elles sont confrontées à des pénuries de personnel qualifié. Mais nombre d’entre elles ne connaissent pas le dispositif. Il faut savoir par ailleurs que la formation en alternance peut procurer les mêmes diplômes que les formations organisées en plein exercice. Un diplômé émanant de l'alternance peut, par exemple, passer s'il le souhaite dans l'enseignement supérieur et poursuivre son parcours enrichi de cette expérience. »

« La vision des parents doit aussi évoluer, d’autant qu’on sait qu’ils jouent un rôle important dans l’orientation, conclut Marie Pirson. Il m’est arrivé de me retrouver face à des jeunes qui voulaient s’inscrire en alternance et que les parents venaient… désinscrire ! Disons-le aux parents : votre enfant va développer des compétences de nature à trouver un travail qu’il aura expérimenté lui-même. Il aura une expérience de vie, saura ce qu’attend un employeur et il pourra trouver plus facilement un emploi. Au travers des Carrefours et Cités des Métiers, les personnes intéressées peuvent trouver une porte commune pour s’orienter ou se réorienter et construire un projet professionnel. C’est l’occasion de se renseigner de façon neutre sur l’offre de formation des différents opérateurs de l’alternance. Plus en amont, le Défi des Talents, fruit d’un partenariat entre les opérateurs de formation de l’alternance et l’enseignement, permet aux élèves de 2ème et 3ème secondaires de venir tester, à raison d’une journée, différents métiers. La démarche a aussi la vertu d’ouvrir les enseignants à cette piste de l’alternance en travaillant en amont et en aval de la journée avec l’appui d’un carnet pédagogique. » 

IDKIDS

Aujourd’hui en charge des ressources humaines chez IDKIDS (Okaïdi, Jacadi, Catimini, ...) et, auparavant, responsable de magasin, Murielle Thomas accueille des alternants depuis une quinzaine d’années. « Au départ, ils étaient perçus dans l’entreprise comme de simples bras supplémentaires, reconnaît-elle. Au fil du chemin, nous avons pris conscience que les prendre en service jeunes et avancer avec eux offrait une vraie valeur ajoutée. Les premiers mois, on investit beaucoup, mais ensuite, la personne devient vite rentable. Au final, vous obtenez un collaborateur bien formé, qui connaît votre culture d’entreprise, prêt à être engagé. Comparé à un recrutement classique, le système offre un bien meilleur retour sur investissement. »

Depuis six mois dans son rôle, Murielle Thomas a notamment reçu mission d’encore développer l’alternance. « Nous avons actuellement 18 apprentis sur la Wallonie, sept à Bruxelles et un en Flandre. La première étape a consisté à former notre personnel au tutorat pour bien accompagner ces jeunes. Nous préparons également nos managers à déceler leur profil car, souvent, il y a aussi un travail à mener en matière de soft skills — savoir se présenter, dire bonjour, arriver à l’heure… Quand il ou elle arrive chez nous, l’apprenant.e reçoit une formation de base au métier de quinze jours, puis nous les accompagnons au quotidien pour passer différentes étapes : le traitement de la marchandise, le contact client, les techniques de vente… En parallèle, l’opérateur de formation nourrit l’apprentissage et mène des évaluations, le tout suivi par un référent. À mes yeux, il s’agit d’une vraie expérience de vie avec une perspective d’avenir à la clé. »     

Sprl ELE'K

Arrivé en Belgique en 1996 à l’âge de 16 ans, Abdoulaye Keita est venu à l’alternance un peu par hasard. « Ce qui m’a frappé, confie-t-il, c’est qu’on me l’a présenté comme une sorte de dernière chance. Avec le recul, c’est choquant tant ce fut une belle expérience. » Combinant étude en CEFA et travail chez un patron, il devient électricien, puis suit la formation de chef d’entreprise. « L’avantage du dispositif est qu’il combine théorie et pratique. C’est concret et motivant, car on sait sur quoi on avance. Personnellement, je n’ai jamais pu rester à étudier des heures et des heures. j'ai besoin de travailler avec les mains, ce qui m'aide aussi à réfléchir. »

Au départ, Abdoulaye Keita avait fait le choix de la mécanique automobile. « Mais me retrouver enfermé dans un même lieu tout le temps ne me convenait pas, sourit-il. Je me suis réorienté, ce que permet facilement l’alternance. J’ai été vers l’électricité pour la variété qu’offre ce métier. Je pensais que ce serait plus facile, et j’ai découvert un métier très riche, plein de défis et où l’on se rapproche de la programmation, car les systèmes deviennent intelligents. » Aujourd’hui, l’alternant devenu patron prend lui-même des apprentis et les encadre. « Certains sont très motivés, notamment à l’idée d’être indépendants ; d’autres sont plus difficiles à mobiliser. Ils m’apportent de l’aide, mais c’est aussi pour moi l’occasion de transmettre mon savoir-faire et de rendre au système ce qu’il m’a apporté en aidant les jeunes à se projeter dans leur futur métier. »

Les études montrent que : 

  • le taux de chômage des jeunes ayant suivi une formation en alternance est 50% plus bas que celui des jeunes n’ayant pas eu d’expérience professionnelle pendant leur formation.
  • un employeur sur deux estime que l’apprenant devient productif en moins d’un an.

Source : État des lieux pour un renforcement de lenseignement qualifiant et de la formation professionnelle

  • La rétribution mensuelle brute minimale d'un apprenant en alternance en Belgique francophone est de 332 euros au début de sa formation et de 626 euros au minimum en fin de formation.

Source : https://www.formationalternance.be/home.html